texte de la Fondation Rodhain
Au cours de différents échanges, de nombreux chrétiens m’ont dit leur malaise à employer le mot « pauvres », proposé par le pape pour la Journée mondiale des pauvres.
Il convient de se poser
quelques questions.
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Qui est mal à l’aise avec ce mot ?
Les « pauvres » eux-mêmes revendiquent ce titre. Ils savent ce
que veut dire vivre sans toit, sans argent, sans santé, sans protection. Ils
savent qu’ils sont entendus de Dieu quand ils crient vers Lui et ils ne se
gênent pas pour le faire comme le psalmiste… Ils se savent aimés de Dieu et non
méprisés par Lui. Le terme générique de « pauvre » ne les gêne
pas ; c’est la pauvreté ou le mépris qui les fait souffrir.
Les personnes plus privilégiées ont l’impression de jeter l’opprobre sur le
pauvre, de le juger, le classifier, le dévaloriser en employant ce mot. Elles
veulent d’abord le reconnaître comme un semblable, un frère sans l’étiqueter
d’une manière qu’elles jugent dévalorisante. C’est très louable mais est-ce
vraiment le bon moyen ? qui a dit que les frères étaient tous semblables
et se ressemblaient ? ils font partie de la même famille mais n’y ont pas
tous le même positionnement. En gommant cette différence de statut, on élimine
aussi la personne du pauvre qui n’a plus aucune caractéristique particulière.
Si nous sommes vraiment tous pareils pourquoi faire une Journée Mondiale des
Pauvres ? il aurait fallu une journée mondiale de l’humilité. En
refusant un vocabulaire précis, on risque d’éliminer l’objet…
-
Sommes-nous tous pauvres ? Oui bien
sûr, si on entend le mot pauvres dans le sens « petits et
faibles » devant le Seigneur, encore plus si on entend
« pêcheurs ». Il est bon de reconnaitre l’amour si puissant de Dieu et
de s’émerveiller que tant d’amour puisse concerner l’humanité avec ses
faiblesses, ses lâchetés, ses compromissions et aussi ses espoirs et ses
réalisations fraternelles. Mais avec la Journée Mondiale des Pauvres, le
pape veut attirer l’attention sur ceux qui manquent de l’essentiel ou d’une
partie de l’essentiel ; pas sur le chemin spirituel que chacun, chacune
doit faire pour se reconnaître petit devant Dieu. Le chemin spirituel proposé
par le pape est celui de l’écoute et du partage avec des pauvres réels :
écouter ce que ceux et celles qui vivent la misère ou l’exclusion ont à dire du
rapport à la pauvreté, à la vie, à Dieu. Partager un repas, faire connaissance
et échanger tout simplement. Les pauvres ne sont pas des saints mais ils
connaissent la pauvreté concrètement. Ils invitent à un véritable chemin de
conversion. La pauvreté du cœur ne se confond pas avec la pauvreté tout court.
-
Comment le mot pauvre est-il employé dans la
bible ? Bien souvent de manière très concrète. Le pauvre manque de nourriture
ou de vêtement ; il manque de protection (veuve, orphelin, étranger) et
n’arrive pas à faire valoir ses droits. La bible dénonce ceux qui exploitent ou
oppriment le pauvre. La pauvreté est à combattre parce que le pauvre est un
humain qui ne mérite pas de vivre dans des conditions dégradantes.
Parce que Dieu est Père de l’ensemble de la famille humaine, les chrétiens sont
invités à lutter contre l’injustice et à aider leurs frères et sœurs qui en ont
besoin. Jésus apporte le salut pour tous, même pour les pauvres... La
persistance de la pauvreté dans le monde est un stimulant pour continuer à
inventer des solutions plutôt que pour se décourager. L’évangile est une vraie
bonne nouvelle pour les pauvres qui y sont écoutés, soulagés et sauvés. Le pape
leur a donné la responsabilité de partager leurs découvertes avec tous.
Pour parler de la Journée Mondiale des Pauvres, la page d’évangile la
plus signifiante est sans doute celle du lavement des pieds : « Vous
aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que
je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour
vous ».
Christine Gilbert, directrice de la Fondation
Rodhain
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